Le marché du travail connaît actuellement un taux de chômage historiquement bas, à tel point que la rétention des talents constitue désormais un thème crucial pour tout employeur. Dans le même temps, nous constatons une hausse inquiétante du nombre de malades de longue durée, qu’il sera particulièrement difficile de remettre au travail. Il existe par ailleurs une profusion d’initiatives menées à différents niveaux de pouvoir (fédéral, régional), qui manquent quelquefois de cohérence.
L’approche en matière d’absentéisme répond trop souvent à une méfiance profondément enracinée. L’accent porte dans une large mesure sur la mise au jour des abus, que l’on appelle « l’absentéisme noir ». Les éternels débats sur la nécessité de remettre un certificat médical et les autres systèmes de contrôle constituent autant d’exemples suffisamment éloquents.
Cette obsession du contrôle peut partiellement s’expliquer par les effets délétères de mauvaises expériences, qui ont tendance à prendre le pas sur les innombrables cas en tout point honnêtes. Nous élaborons des systèmes de contrôle par crainte de voir se répéter ces mauvaises expériences. Mais quel est le pourcentage réel des collaborateurs impliqués dans ces présumés abus ? Les estimations demeurent basses et se situent généralement entre 1 et 5 pour cent.
L’essence du message est claire : dès lors que nous organisons l’intégralité de notre système autour d’une petite minorité de potentiels fraudeurs (les 5 %), nous créons involontairement un climat de méfiance qui pénalise l’écrasante majorité (les 95 %) totalement digne de foi. Cette majorité peut tirer profit de tout le soutien et de toute la confiance que l’on pourra lui témoigner ; la reprise du travail n’en sera que plus rapide et plus durable.
Dès lors, il convient de se demander si nous n’aurions pas tout intérêt à changer drastiquement notre fusil d’épaule. Ne devrions-nous pas nous organiser autour de la majorité – les collaborateurs désireux et capables de reprendre le travail moyennant le soutien adéquat – plutôt que de l’exception ? Comment pouvons-nous créer un climat de confiance et de soutien proactif qui favorise réellement la réintégration ?
En cas de maladie de longue durée, travailleur et employeur sont généralement encouragés à éviter tout contact avec le travail. « Restez chez vous jusqu’à votre rétablissement complet », tel est alors le mot d’ordre. Ce refus du contact peut être comparé à une situation dans laquelle un enfant rentrerait en pleurant après une dispute à l’école. Il paraît évident que personne ne lui dirait : « Reste quelques semaines à la maison jusqu’à ce que ça passe. » Et pourtant, c’est exactement ce que nous faisons si souvent dans le contexte professionnel. Nous laissons le collaborateur à la maison, rompons tout contact et attendons. Il n’existe aucune preuve démontrant l’efficacité de cette approche passive ; bien au contraire, elle peut justement compromettre une réintégration rapide.
Mais alors, quelle est la bonne approche ? Communication précoce, confiance et soutien ciblé sont les mots-clés.
- Maintenez le contact, dès le départ : entretenez-vous avec le collaborateur sans trop tarder après la notification de l’absence pour maladie. Non pas depuis une position autoritaire, mais en faisant preuve d’un intérêt sincère : « Comment allez-vous ? » Cette démarche vous aidera à maintenir le lien et à comprendre la situation, sur le plan médical, mais aussi dans son contexte.
- Focalisez-vous sur la perception et non pas uniquement sur le diagnostic : le diagnostic médical constitue naturellement un facteur, mais des études approfondies démontrent que la perception du travailleur à l’égard de sa santé et de son mode de fonctionnement, de même que ses attentes en termes de rétablissement et de reprise du travail, représentent des indicateurs bien plus fiables de la durée de l’absence. Aussi, poursuivez avec les questions suivantes : « Comment vous sentez-vous en ce moment ? » et « Comment envisagez-vous votre retour au travail ? ».
- Tirez profit de la « fenêtre d’opportunité » : les 12 premières semaines de l’absence sont cruciales. Des études révèlent que c’est pendant cette période que les chances d’une réintégration réussie et durable sont les plus élevées. Une démarche proactive, le maintien du contact et la recherche conjointe de solutions constituent donc le mot d’ordre.
Pensez aux sportifs de haut niveau blessés qui, en dépit d’une absence de longue durée, restent impliqués au sein de l’équipe et sont accueillis à bras ouverts à leur retour. Le message est clair : « Bon retour parmi nous, tu nous as manqué, nous sommes contents de te revoir ! » Telle est l’essence du « retour sur le terrain », transposé dans notre contexte, le « retour au travail ». Il s’agit de créer un environnement dans lequel les travailleurs se sentent les bienvenus et soutenus.
Bien que certaines nouvelles mesures de l’accord de gouvernement plaident en faveur d’un suivi plus rapide des travailleurs malades, une focalisation excessive sur le contrôle et les possibles sanctions peut ébranler cette confiance, pourtant essentielle.
Le rôle que vous pouvez jouer en votre qualité d’employeur ou de responsable hiérarchique est, à cet égard, capital. Un contact proactif doublé d’un intérêt sincère, un dialogue ouvert, un examen réaliste des pistes envisageables (éventuellement à travers un travail adapté) et un accueil à la fois chaleureux et bienveillant vous permettront de créer un environnement dans lequel les collaborateurs se sentiront soutenus. Vous faciliterez ainsi significativement la réintégration et contribuerez à la mise en place d’une solution durable, pour le travailleur comme pour l’organisation.